Il y a quelques semaines on ne parlait que de la betterave dans les médias.
Certains se révoltaient contre le fait qu’une autorisation temporaire avait été accordée pour le traitement des betteraves avec des néonicotinoïdes. Produit de traitement très dangereux pour les abeilles et interdit depuis peu en France.
On pouvait entendre en direct à la télévision un homme politique, (Vous le reconnaitrez vous-même, président du parti écologiste) décrire comment l’abeille allait mourir en butinant la fleur des betteraves.
Qui d’entre-vous a déjà vu une betterave en fleur ?
La betterave est une bisannuelle et donc est récoltée bien avant qu’elle ne produise une fleur. L’ignorance face à ce légume, qui nous rend la vie si douce mais qui représente un des plus grand fléau alimentaire pour l’humanité, se devait d’être corrigé.
Tout a commencé avec Franz Carl Achard.
Franz Carl comment ? En fait, presque personne ne connait M. Achard.
Francois-Charles Achard a créé une nouvelle espèce de culture et aussi la technologie pour extraire le sucre de la betterave. Il a également construit la première usine de production de sucre cristallin.
Mais commençons en 1753.
Le 28 avril, Franz Carl Achard naît à Berlin. Il s’appelle en fait François-Charles, car ses ancêtres sont des huguenots fuyant la France et font partie de la soi-disant colonie française. On sait peu de choses sur son parcours de formation. A l’âge de vingt ans, il devient membre de la « Berlinische Gesellschaft Naturforschender Freunde » et deux ans plus tard, en 1775, il est déjà membre honoraire et devient assistant à l’Académie prussienne des sciences.
Il assiste un chimiste du nom de Marggraf qui, dans les années 1740, avait déjà étudié la teneur en sucre de différentes plantes indigènes et qui avait mesuré 1,56 % dans la betterave fourragère. Achard reprend l’étude de la betterave 40 années plus tard.
Peut-on augmenter la teneur en sucre et l’extraire de la betterave? A cette époque le sucre est un article de luxe. Seuls les gens riches peuvent en consommer.
Au cours des années 1780 et 1790, Franz Carl Achard expérimente de nombreuses variétés de betteraves de différentes régions, sélectionne la teneur en sucre et teste également l’influence de la nature du sol, de la fertilisation ou de la distance entre les plantes. Il travaille également sur des méthodes pour isoler le sucre des betteraves.
Mais Achard n’est pas le seul à s’occuper du sujet. Il y a aussi des partisans d’une production de sucre à partir de jus d’érable. Le débat public s’engage, on craint qu’une extension de la culture de la betterave ne mette en péril l’approvisionnement en céréales. D’autres encore mettent en garde contre un gaspillage de combustible qui sera désormais nécessaire en grandes quantités pour faire bouillir le sirop de betterave pressé. Ses travaux ne sont plus financés.
Il emprunte de l’argent à titre personnel, quitte l’académie des sciences pour acheter une ferme et des terres. Achard construit en 1801 ce qui est aujourd’hui considéré comme la « première usine de sucre de betterave au monde » à Cunern. (Actuellement Konary en Pologne).
Il restera endetté jusqu’à sa mort.
En 1806, Napoléon impose le blocus continental qui verrouille l’Europe continentale du commerce maritime dominé par l’anglais – et donc aussi du sucre de canne des Caraïbes. Le sucre de betterave, en particulier en France, prend rapidement de l’importance ; En 1812, il y a déjà 158 usines de betteraves.
Après l’échec de Napoléon en Russie, c’est la fin du blocus continental, en 1813. Le sucre de canne qui s’est accumulé au fil des ans, inonde maintenant le continent européen. Le prix du sucre chute et, toutes les usines de betteraves devront fermer leurs portes. Il faudra attendre les années 1830 pour que de nouvelles usines soient créées en Europe.
Franz Carl Achard ne les verra plus. Il meurt le 20 avril 1821 à Cunern.
Ce n’est que de nombreuses années après sa mort que Franz Carl Achard est redécouvert. L’industrie du sucre de betterave le célèbre comme son précurseur et ses travaux pour partir d’une plante fourragère vers une plante source de sucre est qualifié de « découverte de premier rang ».
Au cours du XIXe siècle, on a réussi à cultiver des variétés de betteraves dont la teneur en sucre est de plus en plus élevée. Si Achard devait encore se contenter de 4 % lors de sa première campagne à Cunern, elle était déjà supérieure à 15 % cent ans plus tard. Aujourd’hui, selon le déroulement de la saison, 16 à 20 % sont obtenus. Plus de sucre n’est pas possible physiologiquement.
Aujourd’hui, les objectifs de cultures seraient plutôt d’augmenter la résistance aux maladies et aux ravageurs, ainsi que le rendement par hectare. L’adaptation aux changements climatiques est également une question importante.
L’héritage d’Achard est énorme. Selon l’Organisation mondiale de l’alimentation, 55 pays cultivent aujourd’hui de la betterave sucrière. Il en résulte environ 40 millions de tonnes de sucre par an, soit environ 22 % de la production mondiale de sucre.
Peut-être qu’on peut ajouter que Achard, avec la production de sucre à partir de la betterave, a contribué d’une certaine façon à l’abolition de l’esclavage. La culture de la canne à sucre dans le Nouveau Monde reposait uniquement sur les esclaves .
Ce texte est extrait et inspiré d’un article de la Franfurter allgemeine Zeitung, paru le 23 avril 2021, à l’occasion du 200ème anniversaire de la mort de Francois Charles Achard.